Indéniablement la condamnation à Nanterre de Charles Pasqua, ex-ministre de l’Intérieur et le renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris de Jacques Chirac, ex-président de la République Française es qualité d’ancien maire de la capitale sont à l’honneur de la démocratie française et viennent indirectement combattre l’image d’une « République bananière » donnée récemment. On dit un peu facilement que la représentation de la France à l’étranger allait en souffrir. Je n’en crois rien. Au contraire la France donne une bonne image d’elle-même : elle n’étouffe pas (tous) les scandales.
Chant du cygne de la justice ? Difficile de répondre. Indéniablement l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris vient démontrer l’utilité du juge d’instruction à l’ancienne qui, certes, lâche du lest quand il n’arrive pas à établir formellement les faits, mais ne démord pas pour le reste quels qu’aient pu être les chaudes recommandations ou précieux conseils reçus. Si le parquet de Paris avait en charge d’instruire ce dossier on voit bien qu’il n’aurait prospéré longtemps. Cette décision sera régulièrement utilisée dans le débat qui s’annonce sur la disparition souhaitée du juge d’instruction. Les arguments développés en défense par ces deux monstres de la politique française que sont Charles Pasqua et Jacques Chirac et par ceux qui les défendent, pour recevables qu’ils soient puisque la défense est libre dans ce pays, sont tout sauf juridiques, souvent dans le registre du psychologique, parfois pitoyables et, en tout cas, révélateurs d’une classe politique pour laquelle la fin justifie les moyens.
Trouver ces deux personnages sympathiques et affables par-delà les coups de poignard bien réels qu’ils ont pu asséner à leurs adversaires politiques, y compris et surtout à ceux de leur propre camp, ne peut pas servir de justificatif à la turpitude.
Pas plus ne doit entrer en ligne de compte le fait qu’ils soient aujourd’hui âgés. C’est d’ailleurs assez extraordinaire qu’on vienne nous mettre en avant l’âge de l’ancien président de la République quand il a tout fait pour retarder les échéances notamment au –delà de ses mandats présidentiels. Il avait été alerté sur le fait que les affaires prospéreraient à nouveau sur le terrain judicaire une fois redevenu « simple citoyen ». Tout simplement il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Ce qui vaut pour Roman Polanski doit valoir, toute comparaison gardée, pour Jacques Chirac et Charles Pasqua. Jacques Chirac a voulu renforcer l’immunité présidentielle. On nous disait : « Vous verrez quand il ne sera plus président ! ». Nous y sommes. Rien que de logique. L’échéance est arrivée. Il s’avère qu’entre temps chacun a vieilli dont le principal concerné. Logique. Certains de ceux qui les soutiennent ne mesurent pas l’énormité de ce qu’ils avancent par les arguments qui les développent. Je pense notamment à Xavier Bertrand secrétaire général de l’UMP déjà qui visant le tourisme sexuel de Frédéric Mitterrand parlait d’une question relative à la vie privée et s’agissant de Jacques Chirac se contente d’évoquer des affaires vieilles de 15 ans !Pour exciper de sa bonne foi Charles Pasqua ajoute que poursuivi une trentaine ou une quarantaine de fois il n’a jamais été condamné. Et de menacer que l’on découvre des noms !
Quels arguments ! Il n’a pas convaincu les juges de Nanterre. Aujourd’hui il demande la levée du secret défense ; que ne l’a-t-il pas fait plus tôt !
D’évidence ni l’un ni l’autre ne s’attendait il y a quelques années à ce final judiciaire. Ils s’estimaient intouchables. Comme bien d’autres constituant une certaine classe politique, reflétant une certaine époque aussi.
Soyons clairs. Je ne connais ni l’un ni l’autre des dossiers, mais il m’apparaît normal que des hommes politiques soient traités comme des citoyens normaux, ni plus ni moins. Il faut les protéger le temps de leur mandat contre des coups bas, mais ils doivent rendre des compte comme tout un chacun une fois le mandat expiré.Ils doivent être ramenés à une saine réalité s’agissant de l’argent public. Ainsi il n’est pas normal de financer un groupe politique avec l’argent de la commune au prétexte qu’on a besoin d’un groupe, en l’espèce les Républicains Indépendants pour consolider sa majorité ! Soutenir le contraire sur les antennes comme le fait l’avocat de Jacques Chirac au prétexte que cela a rendu service à la population, sachant que son client ne nie pas les faits mais en l’espèce les revendique, est un peu énorme. Violer la loi pour servir! Faut oser le revendiquer.Il faut que ces hommes politiques engagent leur responsabilité non seulement devant leurs électeurs devant les juridictions et si nécessaire soient punis comme il se faut en tenant compte de leur personnalité et de leur bénéfice personnel. Ainsi Charles Pasqua peut invoquer son passé de résistant contre les allemands mais il s’expose à ce qu’on lui rappelle qu’il a été aussi animateur du SAC (Service d’action civique gaulliste)! Et leurs successeurs redoubleront de prudence. Chacun y gagnera.
En tout cas la justice redore son blason avec ces décisions où des juges ne se laissent pas impressionner par la qualité des mis en cause.Il est évident qu’elle est souvent instrumentalisée. Cette affaire des faux emplois à la Vile de paris trouve son origine dans la bataille des candidatures entre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Eric Alphen a bien rappelé aujourd’hui que les documents déclenchant l’affaire venaient du ministère des finances piloté à l’époque par Nicolas Sarkozy ; l’affaire Cleamstream est elle liée à la bataille qui faisait rage entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy ?
Dans ce contexte les coups sont tordus et on tente de jouer de la justice pour éliminer l’adversaire. Le maniement de la justice n’est pas chose aisée et peut éventuellement se retourner contre ceux qui veulent la manipuler. Il y a beaucoup de déchets (des non-lieu, des relaxes), mais de temps en temps un poisson reste pris dans le filet. Le pêcheur joue sa propre partition.En fait et enfin, il est renvoyé l’image d’une justice qui doit passer pour tous et pas seulement pour les “jeunes loubards”.